Adriaen Brouwer
Le couvre-chef redressé de cet homme donne à penser que l’homme représenté est un débardeur. Sa veste gris brun sans manches est retenue sous la panse par une corde. Il nous fixe d’un regard un peu trouble et semble se demander pourquoi le peintre lui fait adopter une pose de ballet. Par ce portrait au format de poche d’un travailleur qui pose comme un noble poserait pour un portrait officiel, le peintre veut sans doute amuser la galerie. Peut-être a-t-il vu dans son modèle une version flamande de Polichinelle, le célèbre personnage de la Commedia dell’arte, le théâtre comique italien extraordinairement populaire en Europe à partir de la moitié du XVIe siècle.
Le pinceau de l’artiste crée par ailleurs une grande monumentalité plutôt inhabituelle dans de telles représentations. Cela s’explique par la simplicité de la composition, l’absence de tout aspect anecdotique et par le mariage subtil de nuances de gris avec de l’ocre, du bleu et du rouge. L’ombre des jambes sur le sol confère un caractère dramatique au portrait. À ce jour, on ignore qui a peint ce magnifique petit tableau. Autrefois, on l’attribuait à Adriaen Brouwer, bien que le sujet soit assez éloigné des clients de tavernes qui boivent, fument et jouent aux cartes qu’évoque en général le nom de ce maître – ou les grimaces de douleur sur les visages de ceux dont on désinfecte une plaie ou opère le pied. Il se pourrait que l’œuvre soit de la main de Gonzales Coques qui, outre de petits portraits de la haute société, a aussi peinte des scènes de genre représentant les cinq sens.
Texte: Nico Van Hout, 2018