Pendant le festival culturel de la ville Antwerpen Barok 2018. Rubens inspireert, le M HKA, le Musée d’Art Contemporaine d’Anvers, oppose l’esprit des maîtres du baroque à la vision des grands artistes contemporains. Avec l’exposition Sanguine/Bloedrood, le commissaire d’exposition Luc Tuymans veut surprendre le visiteur en mettant en dialogue des œuvres phares du baroque de Francisco de Zurbarán, Caravaggio et Anthony van Dyck avec des œuvres de maîtres contemporains classiques, comme On Kawara et Edward Kienholz, complétées par de nouvelles œuvres des vedettes contemporaines telles que Zhang Enli, Takashi Murakami, Michaël Borremans, Sigmar Polke et Tobias Rheberger.

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INTERVIEW

Une conversation entre Luc Tuymans, Bart De Baere et Manfred Sellink à l’occasion de Sanguine/Bloedrood. Luc Tuymans on Baroque

 

Janvier 2018

 

Edward Kienholz [Five Car Stud]:

L’installation de Edward Kienholz est le point de départ de l’exposition. L’œuvre emblématique a été ‘disparue’ pendant quarante ans, tout ce temps-là elle était cachée dans une collection japonaise.   En 2011 elle a refait surface et a été immédiatement exposée au publique. D’abord dans la cave du LACMA, ensuite au Louisiana Museum of Modern Art à Copenhague, ensuite au Prada Foundation qui a acheté l’œuvre et a rattaché cela à une plus grande rétrospective autour de l’œuvre de Kienholz. Quoique datant d’il y a 45 ans, l’installation est d’une extrême actualité. C’est une œuvre très politique, sociale et critique.  Elle contient une urgence.

Nous montrons l’installation dans une tente sur le Waalse Kaai, sur l’axe entre le M HKA et le KMSKA. Donc en dehors du circuit, dans l’obscurité d’un dôme. Exactement comme Five Car Stud était exposé initiallement, à la Documenta de 1972, de Harald Szeemann. Notre tente n’est pas exactement de la même matière, mais a à peu près les mêmes dimensions.   

Quand je l’ai vue pour la première fois, à distance, elle me rappelait El tres de mayo de Goya. Peut-être pas directement une peinture du baroque, mais tout-de-même une œuvre d’un ancien maître. Elle est écrasante et contient - comme il s’agit d’une exécution - un élément évident de violence.  Ces écrasement et violence sont également présents dans l’installation de Kienholz.  Ce qui fait de Five Car Stud un élément de liaison entre les peintures du baroque et l’art contemporain.  L’œuvre n’est non seulement le point de départ de l’exposition, elle en doit également son titre – Sanguine/Bloedrood .

L’oeuvre de Kienholz (Five Car Stud) constitue ensemble avec l’oeuvre de Caravaggio les deux points de repères entre lesquels le domaine contemporain se formera. On oublie souvent que le baroque s’est introduit dans la pensée d’images occidentales et a inspiré plusieurs puissances. Ceci s’est reflété clairement dans le contexte colonial. C’est également une des raisons pour lesquelles Pascale Tayou, comme Johann Georg Pinsel de l’Ukraine, se trouvent dans l’exposition.

L’image est bouleversante endéans l’installation emblématique.  Il y a trois éléments qui jouent et qui sont continuellement présents à travers l’exposition : l’index, le symbole et l‘emblème.  Dans l’oeuvre de Kienholz se pose aussi la question, devant la théâtralité présente, si le tableau bouge ou pas. Il contient un élément cinématographique. 

La documentation sur Five Car Stud – d’ailleurs une œuvre de Edward Kienholz et sa femme Nancy – peut être visitée, en dehors de la constellation de l’exposition, au premier étage du M HKA.

 

 

Henri Storck [Rubens]

Dans les grandes œuvres de Rubens – que nous n’exposons pas au KMSKA, mais bien dans des églises - on aperçoit qu’elles ne sont en somme pas faites pour un environnement intime, mais pour un environnement publique. C’est pourquoi que nous projetons le film de Henri Storck [Rubens] dans l’exposition.  A l’extérieur, sur la façade du M HKA, nous montrons des images de David et Goliath de Caravaggio, que nous avons filmées à la Villa Borghese. Ainsi on corrobore le caractère cinématographique et narratif de l’exposition. Ce n’est pas une exposition pleine d’ouvrages, mais une qui est d’une façon perceptuelle greffée sur des individualités et des entités.

 

Carla Arocha et Stéphane Schraenen [Circa Tabac]

Au milieu on retrouve une œuvre de Carla Arocha et Stéphane Schraenen [Circa Tabac], qui a déjà été montrée au The Wallace Collection à Londres. Circa Tabac crée un éclatement  formel total. Tout est alors à nouveau segmenté, retombe encore une fois en morceau, et cet effet est encore renforcé parce que l’œuvre est un miroir. L’aspect cinématographique y est présent, sous une forme extrême, répétitive.  Il est également présent dans la relation physique entre le spectateur et ce qui est, oui ou non, visible en regardant la sculpture à distance.  Ainsi il était important de montrer cette sculpture de treize mètres de longueur dans une espace circulaire.

 

Dominik Lejman [Harnessed Swimmer]

Clairement une référence à Caravaggio. C’est une œuvre plus ancienne, qui travaille en partie avec une projection. Le grand-père de l’amie de Leijmans est projeté sur une surface peinte.  Il a installé une piscine dans la cave de sa maison, sans powerstreaming mais avec un harnais qui vous retient physiquement d’avancer en nageant. Vous voyez cet homme d’un certain âge vaguement faire d’une manière brutale un mouvement de crawl, ce qui indique un sentiment profond de ‘y être’.

 

Joris Ghekiere [Untitled]

Joris Ghekiere a une œuvre très éclectique. Ces œuvres naviguent entre des statues figuratives ayant une certaine forme de lyrique et des formes abstraites. Mais toujours présente est l’enquête de la signification de la surface d’une peinture. Cela travaille comme un écran et fonctionne aussi comme une sorte de point de repère. Les artistes contemporains - à quelques exceptions près - sont souvent représentés dans l’exposition par une seule œuvre. Je le préfère pour l’artiste et c’est plus évident pour l’ensemble du projet que Sanguine/Bloedrood est devenu.

 

Zurbarán [The Martyrdom of Saint Sebastian]

Dans cette œuvre de Francisco de Zurbarán, comme dans l’installation de Kienholz, il y a à nouveau l’élément de mutilation.  En même temps il y a une référence au dôme, se trouvant à l’extérieur et formant le théatre pour Five Car Stud.

 

Javier Téllez [El León de Caracas]

Je ressens la vidéo de Javier Téllez comme baroque dans ce sens qu’il s’agit d’un élément emblématique : par l’image du lion, l’image du pouvoir. C’est aussi bien pour ma femme que pour moi, une œuvre avec une connotation très émouvante. Elle est, tout comme Javier Telliez, originaire du Vénézuéla. Quand nous avons vu la vidéo pour la première fois, la disruption du pays était déjà visible. D’une façon très emblématique, on voit un lion empaillé qui est porté et touché par des figurants, déguisés en agents de police, à travers les shanti towns. L’élément de dégradation a une qualité presque épique. L’exposition complète se déroule endéans un concept de monumentalité. C’est le fil rouge qui relie les maîtres anciens et les œuvres contemporaines entre elles. 

 

Takashi Murakami

Takashi Murakami fait également partie de l’exposition, avec une armoire à vitrines pleine de maquettes/d’études préliminaires et une photo d’une œuvre existante [The Birth of a Universe]. Amener la vrai sculpture à Anvers s’avérait malheureusement trop coûteux.  En plus il y aurait une interférence avec les œuvres de Pinsel [Mater Dolorosa et Saint John the Baptist]. Avec les œuvres de Murakami nous mettons à nouveau indirectement l’accent sur la façon dont le baroque fait toujours un mouvement vers le haut. Quand j’ai fait pour la première fois une peinture d’une église baroque, j’étais saisi par la technique pure par laquelle des statues étaient combinées et sous forme d’un escalier surhaussé, presque comme une fusée, spatialement agrandies dans le plan de l’image. Murakami le fait aussi, mais d’une autre façon. Son arrière-plan est plus cynique, son œuvre un reflet de son esthétique Superflat, et une référence au fait que les gens ont oublié qu’il y a deux bombes atomiques qui sont tombées sur le Japon.

Mais en même temps il y a des points de comparaison avec le baroque.  Il travaille en partant d’une tradition asiatique, partant de l’idée d’arts and crafts, extrêmement professionnalisée et purifiée. Chez Murakami, c’est un travail d’équipe: le concept vient de lui, mais il ne réalise pas tout lui-même. Chez Rubens c’était de même: de son atelier il imaginait la conception et ensuite la réalisation se faisait autre part. Dans l’exposition se trouvent d’ailleurs deux esquisses dans lesquelles la main du maître devient apparente endéans le procédé.

L’œuvre de Murakami contient un élément pr, qui se rapporte d’une façon inerte à l’objectif qu’il vise reéllement : une attitude de vie nihiliste. Au baroque, ce point de vue est différent, mais il y a tout aussi bien une contradiction entre les deux visions du monde et en même temps une similarité visuelle.

 

On Kawara

Nous introduisons On Kawara dans l’exposition avec ses Date Paintings. C’est le On Kawara que tout le monde connait. Plus loin, il est à nouveau présent avec une œuvre plus ancienne, moins connue.  Les Date Paintings sont à comprendre à partir d’un point de vue minimaliste et conceptuelle, mais en même temps ils reflètent les évènements qui se passent un certain jour. Kawara ajoute donc une unité de temps et un élément de mémoire. Je le ressentais comme fascinant de le placer à proximité de Murakami. Les Date Paintings sont l’annonce de ce qu’on voit plus loin de Kawara à l’exposition : une œuvre plus inattendue et plus directe [Thanatophanies].

 

David Gheron Tretiakoff [Immolation I, II, III, IV],

David Gheron Tretiakoff a réalisé une œuvre très spécifique [Immolation I, II, III, IV], composée de quatre feuilles de papier de riz. C’est extrêment fragile, les feuilles de papier de riz font penser à de la peau, aussi parce que sur ces feuilles il y a des représentations de gens qui se brûlent pour protester. Ces représentations ont été réalisées avec le bout brûlant d’une cigarette allumée. Combiné avec la structure très fragile de ce papier, on obtient une valeur presque poétique, l’œuvre acquiert, malgré l’élément d’atrocité, une certaine beauté.  Les images ont également le caractéristique de ‘relique’, après un incendie dévastatrice. Brûler  avec des cigarettes est en plus une forme de torture.  A nouveau il y a toutes les connotations. David Gheron Tretiakoff donne dans ses représentations une nouvelle forme à l’actualité et il les rend en même temps lyriques et supportables.

 

Lili Dujourie [The Kiss]

Je trouvais Lili Dujourie un choix évident. Elle est une artiste emblématique féminine belge et elle est très sous-estimée. Dujourie joue avec la sensualité de l’image. Elle a une vision très claire et nette comment l’aspect formel peut transiter vers une autre forme de narratif. Il y a également un élément de réflexion, de résistance dans son œuvre. On remarque cela dans cette œuvre [The Kiss], où la tendresse ondulante de la matière douce est confrontée avec la dureté d’un triangle, qui forme un point architectural dans l’espace.  Il y a donc un plan de tension, également toujours présent au baroque. 

 

Jan Vercruysse [M (M1)]

Un piano à  queue étendu sur le sol avec une plaque supérieure en verre bleu, cette œuvre de Jan Vercruysse attire directement l’attention. Par le choix du matériel, la surface reflète un sentiment d’inertie, présent dans le concept de gloire, d’être infâme. L’ensemble dans une position clairement hypothermique. Le tout sans le moindre bruit.

Plus loin dans l’exposition, il y a encore du matériel auditif une pièce de son de Piotr Tolmachov [MM].

 

Dennis Tyfus

Dennis Tyfus est un artiste qui travaille avec une simplicité de dessin.  La verticalité et la simplicité de la surface jaune surexposée, en combinaison avec les éléments graphiques incorporés, font référence à l’œuvre de David Gheron Tretiakoff.  A nouveau une multitude de choses à voir. Comme spectateur il faut vraiment regarder pendant un temps pour déchiffrer tous les différents éléments. C’est un narratif dans un narratif, sous différentes formes et à différents moments. D’ailleurs, c’est cela que nous montrons à travers toute l’exposition.

 

Marlène Dumas [Magdalena (A Painting Needs a Wall to Object to)]

La peinture sombre de Marlène Dumas – pour moi une des artistes féminines les plus fortes sur la scène d’aujourd’hui - montre une femme qui se retourne. J’ai choisi cette œuvre principalement pour la gestualité dans l’œuvre, qui reflète en même temps une franchise remarquable et une retenue extrême. Aussi le noir joue un rôle très important. Le contraste entre le noir et le blanc dans l’image montre une déduction coloniale.

 

Mike Bouchet [Brim]

Cette œuvre est un agrandissement énorme d’un hamburger. L’idée donc du repas, mais alors extrapolée par son format. Il n’est vraiment plus consommable. Le détaillé extrême et l’extrême vulgarité sont durement confrontés avec l’œuvre de par exemple de On Kawara, ou de Marlène Dumas, Nadia Naveau, Rubens ou Jan Van Imschoot. Mais aussi bien en confrontation avec la deuxième œuvre de Bouchet lui-même [Isabel Dos Santos Jacuzzi], un jacuzzi en carton, rendu inutilisable. Il est exposé ici comme ruine.

 

Jan Van Imschoot (L’adoration de François pour Judith]

Je connais Jan Van Imschoot personnellement et il est simplement impossible pour moi d’être curateur d’une exposition sur le baroque sans Van Imschoot. Il est l’artiste qui pourrait peindre un Tintoretto sans le moindre problème. Il va tout droit au cœur du baroque. En plus, il est un vrai fanatique de Rubens. C’est la raison pour laquelle  je ne l’ai pas exposé à côté des deux esquisses de Rubens.

 

Nadia Naveau [Deaf Ted, Figaro’s Triumph en Roi je t’attends à Babylone]

On aurait également pu prendre Jeff Koons avec ses Blue Balls, mais je trouvais Naveau plus essentielle dans le contexte de l’exposition, la confrontation entre le baroque et l’art contemporain. Différent de l’œuvre de par exemple Jan Fabre, l’œuvre de Naveau est plus sculpturale. Elle se situe plus spécifiquement dans son langage de forme, avec une tension entre les objets de la culture work-out, qui se révèlent en même temps comme des bustes similaires à Louis XV. Toutes les œuvres que nous avons choisies, jouent avec cette zone grise. Des siècles séparent les différentes œuvres, mais j’ai toujours voulu pouvoir faire la connexion. Dans chaque exposition que je réalise, il existe un lien cognitif à travers toute l’histoire en images, mais dans ce cas-ci,  le grand défi était d’élaborer l’histoire  in extremis.

 

Pascale Marthine Tayou

L’œuvre de Pascale Tayou est exposée dans les espaces intermédiaires, tout près des dessins de Jan Fabre, faits de son sang. Je trouvais intéressant qu’une ville illusoire figure sur le plafond, réalisée à un autre endroit par d’autres mains et transportée par conteneur au port d’Anvers. On remarque clairement à la texture des parties de la ville comment elles ont été faites, comment elles ont été calibrées. La récupération des matériaux qui feront de  cette représentation un élément urbain qui se tourne en lui-même, mais exprime tout-de-même une étrange singularité.

 

Jan Fabre [Een mug/vampier op mijn bloed et Maandstonden van Gerda]

Jan Fabre ne pouvait être absent à l’exposition. Non seulement parce qu’il est concitoyen, mais parce que son œuvre a une teneur relativement importante du baroque. Il a choisi pour cette exposition pour une intervention minimale. Le sang, formant une sorte de piste, est de cette manière une œuvre inhérente à Fabre : dans sa modestie, comme écriture ou comme reste, elle a également un élément mégalomane.

 

Tobias Rehberger [Kopfverluste, Joan Crawford Slapping Library en Monster Triumphing Library]

Les trois œuvres de l’artiste allemand Tobias Rehberger, combinent sculpture et projection.  

A première vue c’est presque du mobilier, mais à l’arrière on remarque une sorte de brume de représentations visuelles. Ce sont des projections de films, d’images qu’en somme on n’arrive pas à voir. Le vrai contemporain est bloqué par le formalisme des images, le langage de forme de Rehberger lui-même.

 

Bruce Nauman [Good Boy, Bad Boy]

Bruce Nauman est complètement l’opposé de l’œuvre de Rehberger. Cette ancienne œuvre de Nauman est une de ses premières œuvres de vidéo. Il était un pionnier de l’art vidéo, il réalisait ce genre d’œuvres bien avant les autres. Il montre ses œuvres en forme comprimée, très brutalement et confrontantes dans l’espace.

 

Michaël Borremans

Il y a trois dessins de Michaël Borremans dans l’exposition, provenant de la collection du SMAK. Principalement parce que je trouve que Borremans est surtout très capable comme dessinateur. C’est pourquoi je voulais montrer trois dessins plus anciens. La maison et l’accumulation des figures ont un aspect pervers, par les réductions et agrandissements.

 

On Kawara [Thanatophanies]

L’autre œuvre de On Kawara est une série de trente lithographies, initialement  de 1955.  Des portraits tous basés sur les victimes de la bombe-H. L’œuvre est horrible et réaliste. On oublie souvent que l’œuvre plus ancienne de Kawara était également figurative, et les lithographies en sont un exemple très limpide. C’est une œuvre complètement inattendue et monumentale dans sa sobriété. L’œuvre sera exposée dans une sorte de carré, dans un ordre déterminé et couvrira  toute une cloison. Comme dans un salon bourgeois. D’après moi, l’œuvre est équivalente à l’œuvre de Kienholz, mais naturellement d’une manière complètement différente.

 

Marcel Gautherot [Aleijadinho]

Marcel Gautherot est une ajoute tardive à l’exposition, se situant plus dans la thématique documentaire. Il y a deux endroits documentaires dans l’exposition.  Le premier fait dans un long couloir la liaison avec Five Car Stud de Kienholz, et est purement documentaire : les études préliminaires et le matériel des sources utilisées y sont exposées. Ce couloir y est pour contextualiser l’œuvre de Kienholz en dehors de la tente, dans le temps. Les spectateurs peuvent eux-même choisir l’ordre du moment de regard: d’abord Five Car Stud et ensuite tout le contexte ou l’inverse. D’abord la sensation immédiate et puis la réflexion, ou l’inverse.

A l’autre endroit documentaire, nous voyons l’inverse des études préliminaires : Gautherot a réalisé des photos des statues d’un sculpteur baroque, Aleijadinho, du dix-septième siècle. 

Ces statues sont intégrées dans des églises baroques et ne peuvent naturellement pas être déplacées. Gautherot, qui était également le photographe de Oscar Niemeyer, a réalisé au Brésil des photos de ces sculptures. L’aspect colonial est à nouveau présent ce qui indique la propagation extrême du baroque dans le temps.

 

Pierre Huyghe [Human Mask]

En France, on ne peint plus actuellement, mais il y a un nombre d’artistes remarquablement excellents. Pierre Huyghe en est un. Lui aussi réagit d’une façon incisive à la situation d’aujourd’hui avec son œuvre, mais en même temps il fait le lien avec une certaine théâtralité.  Cette théâtralité est ici d’origine animale. Huyghe utilise un singe, entraîné pour faire le service dans une brasserie et le ramène à Fukushima après la catastrophe nucléaire.  A l’endroit du visage du singe il place un masque-NO, ainsi il devient une sorte de créature hybride - entre homme et singe - qui essaie de retrouver son chemin entre les débris. Comme dans un labyrinthe. Parce que le film doit être montré horizontalement et sur grand format, l’image est carrément impressionnante.

 

Fred Bervoets [De gezegende nederlaag]

[De gezegende nederlaag] de Fred Bervoets est une œuvre souvent mal interprétée. J’ai consciemment opté pour une de ces peintures spaghetti des années soixante-dix. Elles étaient très d’actualité à ce moment. Il y a un sentiment extrême de violence, dans le sens de A Clockwork Orange, une sorte d’esthétique, qui se présente vibrante. Les peintures fonctionnent bien dans cette exposition baroque, aussi bien ici qu’au Prada Foundation. Nous exposons l’oeuve sur une cloison noire, de sorte que l’utilisation des couleurs et la confusion seront extrapolées. Ce langage de forme était fort délimité chez Bervoets. C’est plutôt machinal que lyrique, malgré que Bervoets est plus connu pour cet aspect. C’est donc une pittura metafisica de Bervoets.

 

Yutaka Sone [Every Snowflake has a Different Shape No. 30],

Yutaka Sone est l’artiste japonais avec les cristaux de glace. L’œuvre de l’exposition est très petite, mais à nouveau une petite œuvre qui grandit par sa spécificité. Je l’ai toujours trouvée une œuvre remarquable parce que le concept est si cristallisé. Si simple, mais réalisé si parfaitement.

 

Piotr Tolmachov

L‘œuvre de Piotr Tolmachov, un biélorusse, est une pièce de son. Il utilise le son qui est disponible dans l’espace, et le suce par des ventouses reliées à des haut-parleurs et qui se placent rythmiquement dans l’espace. Cette pièce de son provoque une interaction fascinante avec l’œuvre à côté, de Sone, ce qui lui procure une dimension supplémentaire.

 

Sigmar Polke [Lanterna Mágica]

Le choix de Sigmar Polke et sa Lanterna Mágica, me semble être évident. C’est un artiste qui a toujours mis une relation entre la formation de l’image et l’alchimie. Il reprend la pensée visuelle ancienne occidentale en images, mais il le fait avec un choix de matériaux où la peinture change à travers le temps. Des écrans transparents créent des images doubles qui tournent.

 

Zhang Enli

L’artiste chinois Zhang Enli montre avec [Bucket 1 et Bucket 2] deux seaux vides. Des objets creux, le contexte traditionnel de quelque chose qui se passe à l’intérieur, le côté moins visible opposé à la face extérieure. Ils sont confrontés avec une œuvre plus récente

[Inane], qui montre une forme élastique grandissant et diminuant dans l’espace.

 

Je trouve Sleeper de Borremans  une œuvre épique. Elle est accessible, relativement blanche et claire. Je trouvais indiqué  de la placer à côté d’un Van Dyck et un successeur de Adriaen Brouwer.

 

Jacob Jordaens [Studies van de kop van Abraham Grapheus] - Cornelis de Vos [Portrait of Abraham Grapheus]

Je n’ai encore jamais initié une exposition moi-même, on m’a toujours demandé de composer une exposition, et quand on le fait, cela doit naturellement  avoir un sens et être pertinent.

Comme le Jordaens, une pièce emblématique réfère au Five Car Stud.  Sur cet ouvrage de Jordaens on voit la même personne, Abraham Grapheus, que celle sur un autre ouvrage du KMSKA, une œuvre énorme de Cornelis De Vos, récemment restaurée. Chez Jordaens il s’agit d’une étude et je trouvais fascinant que cette figure, la même tête, revienne sur une peinture à part entière. Cette personne de Abraham Grapheus a été peinte à l’époque par trois peintres éminents – Van Dyck, Jordaens et Rubens. Il est fascinant que, d’un point de vue humain, elle reçoive cette rétroaction et je suis content qu’on ait pu réaliser cela.


Anthony Van Dyck

Dans l’exposition Van Dyck reçoit un rôle parce qu’il est à nouveau un tout autre peintre que Rubens. Dans son œuvre il y a tout de même de la psychologie. Dans les portraits qu’il a fait en Angleterre, il aperçoit comme premier un élément de la bourgeoisie. Cette œuvre montre la  figure d’un homme  à partir de la nuque, une autre approche et un changement fascinant après les œuvres de Borremans et Jordaens, qui étaient plus des études qu’autre chose.  L’œuvre de Van Dyck est une pièce d’opposition dans laquelle la figure est montrée dans une vraie peinture.

 


 

Manfred Sellink: “Je trouve très fascinant d’observer comment Luc regarde le passé. Il est très clair qu’il est bien à l’aise dans l’histoire de l’art, mais en même temps il met des accents et des relations, qui sont moins évidents pour des historiens d’art. Des artistes contemporains vous donnent un regard frais. Ils vous font regarder le matériel d’une autre façon que le strict historico-artistique, ce qui est une valeur ajoutée.”

 

“ Luc et moi-même avons visité pour l’exposition à Pékin [The State of Things] un nombre de cabinets d’estampes pour sélectionner des dessins graphiques du seizième et dix-septième siècle pour une exposition qui serait une confrontation entre les artistes chinois et les œuvres graphiques des artistes des Plats Pays. Je demandais toujours à ces cabinets d’estampes de préparer les œuvres emblématiques, et Luc  choisissait  toujours the odd one out. Les œuvres que nous regardions avec moins d’intérêt, ne les trouvant pas emblématiques. Il regarde avec d’autres yeux, avec un regard différent. Je trouve cela un enrichissement énorme.”

 

“Dans Sanguine/Bloedrood, c’est la même chose. Le discours que Luc cite, est d’une part un discours très établi au niveau historico-artistique. Le baroque, une notion très complexe, peut être interprété de beaucoup de manières. Mais il y a des éléments très évidents, comme par exemple les Poussinistes opposés au Rubénistes.  C’était un débat théorique important au dix-septième siècle. Cela semble tellement cultivé, mais au fond  il s’agit de la ligne contre la couleur, une discussion se déroulant déjà au seizième siècle entre Vénitiens et Florentins. Rubens représente la couleur, Poussin représente la ligne nette.  Et quand Luc fait un tel contrepoint entre de La Tour d’une part - qui n’a finalement pas été retenu pour l’exposition - et Rubens d’autre part, il s’agit en somme de la poursuite à ce jour du discours, vieux de plusieurs siècles, entre la ligne et la couleur. De La Tour n’est pas vraiment un Poussiniste, mais il a la ligne nette qui est basée sur Caravaggio. A l’opposé se trouve le tourbillon de mouvements où Rubens mélange la palette de couleur vénitienne avec le clair-obscur de Caravaggio. Moi, je regarde cette contradiction d’un point de vue académique et Luc d’un point de vue artistique.  Mais ces deux côtés sont complémentaires et se rejoignent en somme au même point.”

 

“Ce qui le rend encore plus riche, plus intéressant, est que cela représente une autre vision sur le baroque. Non, pas une vision non-historique, mais une vision de ce que le baroque, ce que ont signifié couleur, ligne, clair-obscur et violence dans une tradition baroque jusqu’au dix-huitième, dix-neuvième, vingtième siècle. Et ce qu’ils signifient toujours aujourd’hui. Luc met ces liens, trace ces lignes. Je trouve cela l’aspect précieux d’une telle exposition.”

 

Bart De Baere: “Ce que j’admire est que la capacité artistique est à nouveau utilisée pour l’art.  Ce que Luc fait, est très articulé. La réflexion créative d’un artiste a une autre vitesse que la réflexion académique. Il y une rupture avec le systématique de la façon dont des choses vues normalement sont verbalisées, la réflexion visuelle fait des combinaisons très pointues. L’ensemble de l’exposition peut être vu comme une longue série de coups et de choix. Une sorte de détermination qui vient de Luc. Il utilise sa capacité artistique pour redonner une certaine vitalité à l’art.”

 

Manfred Sellink: “La beauté de ce genre d’expositions est qu’elles offrent une plateforme. Non seulement pour l’ horrible, mais mot important ‘contextualiser’ mais également pour montrer - qu’il s’agit du baroque, ou du seizième siècle ou du quinzième siècle - que l’art dans le passé était plus international et plus fluide. Il n’existe pas vraiment quelque chose comme le baroque flamand.  Anvers comptait quelques peintres importants du baroque, qui ont quelques éléments en commun, mais qui ont également des caractéristiques communs avec les peintres du Nord ou du Sud. Il est par exemple très intéressant de comparer l’art du portrait de Rubens avec celui de Rembrandt. La division en écoles nationales est quelque chose des années trente ou quarante du dix-neuvième siècle, quand tous les grands musées nationaux ont été fondés. L’Europe des nations que nous connaissons aujourd’hui a alors été formée. Il est quelque part compréhensible afin de retrouver des repères dans les langages d’images et traditions mais cela a fait perdre une manière de regarder. Une manière de regarder à toute une série de relations qui sont extrêmement intéressantes.”

 

“Ce genre d’expositions crée bien ce genre de relations, aussi bien géographiquement que dans le temps. Nous vivons une période où plus que jamais des images viennent à notre rencontre. Quand on voit la vitesse à laquelle nous sommes assaillis par des images, je ne peux pas m’imaginer qu’on dise que Poissin est trop complexe. Je trouve justement cette époque, avec toutes ses images, l’époque par excellence pour pouvoir expliquer des images complexes et intéressantes du passé.”

 

Luc Tuymans: “C’est impossible de négliger la globalisation. Nous vivons un temps où dans tout le récit globalisé, il n’y a aucune question posée. Au moment de l’avancé du populisme et le retour du nationalisme, le récit du baroque est intéressant et actuel comme réorientation. C’est pourquoi Kienholz est si fascinant parce qu’il présente l’histoire de la ségrégation.  Nous vivons un temps d’internet, de Wikipedia, mais cela a donné le résultat contraire aux expectations. On aurait attendu qu’il aurait fait que l’information soit accessible pour tout le monde mais l’internet est naturellement dirigé par quelques personnes. L’art échappera, espérons-le, toujours à ce catalogage.  Une exposition sur le baroque s’y prête parce que échapper au catalogage, c’est peut-être également ce que le baroque faisait initialement, avant que l’art soit catalogué comme étant baroque. C’est assez confus d’où le baroque est né. Ce n’est pas la renaissance, qui s’est reformulée à partir de l’antiquité. C’est une toute autre optique qui est venue par après. C’était une rupture, une réorientation.”

 

Bart De Baere: “Le baroque est pour beaucoup d’aspects le début de notre ère, non seulement sur le plan de la globalisation. C’est le moment où les statues reçoivent des bords : le bord de la commercialisation, du cynisme, de l’envisageable,... Je l’ai toujours vu comme une sorte d’orgasme de transgression, un excès total. Où en réalité il s’agit de l’acceptation d’une forme de complexité, d’une sorte d’insolubilité, dans l’image. Tandis que la clarté, qui est présente dans des conceptions du monde comme l’art les offre, est en partie liée à une expérience frontalière. C’est dans cette expérience frontalière que nous vivons complètement aujourd’hui. ”

 

Manfred Sellink: “Nous devons faire attention qu’on ne réduise pas le baroque à seulement le plus grand mouvement théâtral.  Cela est naturellement présent, mais quand on regarde le dix-septième siècle, on voit à côté de l’épique et le plus vaste également l’intime, le modique. L’image caricaturale du baroque que nous connaissons, n’est qu’une fraction d’une réalité beaucoup plus complexe et beaucoup plus intéressante. Si on regarde la petite étude d’une tête de Van Dyck, le beau portrait intimement peint des deux jeunes filles de Woutiers ou le tableau du genre de Brouwer, on y voit une grande diversité.  Il y a donc un élément fort cinématographique dans le baroque vu de notre perspectif, mais cela peut aussi bien être le vrai épique – pensez à Rubens, au spectacle du genre Spielberg – que la prise de la vue estompée.”

 

Bart De Baere: “La violence était alors beaucoup plus immédiatement présente que pendant longtemps chez nous, mais il est remarquable qu’elle a,  à nouveau, reçu une valeur d’actualité.  Cela revient, il y a une sorte de crudité dans la manière de réaliser des images publiques, dans la manière dont on parle des choses et dans leur inéluctabilité. La violence et la crudité ne sont pas autant sur notre peau que jadis,  heureusement. En lisant des rapports détaillés de la guerre de quatre-vingt ans, qu’on pense que c’était common practice. ” 

 

Luc Tuymans: “On vivait avec la violence à cette époque.”

 

Bart De Baere: “Oui, mais nous sommes maintenant à nouveau obligés de  vivre avec, et tu cherches comment tu dois alors te comporter. Tu l’apportes aussi sans cesse, dans l’art contemporain, dans vos choix. Maintenant il y a une plus grande relevance, je pense, qu’il y a trente ans où on se trouvait dans une sorte de cocon, qu’on couvait le fantasme que la violence avait disparu.”

 

Luc Tuymans: “Le fascinant à Rubens est naturellement que la violence était un problème de luxe.  Cela figurait luxueusement dans ses peintures et il y a là un certain cynisme. Rubens vend  la violence par sa forme d’apparition. On obtient une forme de pornographie, mais autrement que chez Caravaggio où cela devient vraiment charnel. ”

 

Bart De Baere: “Je  trouve étrange que tu l’appelles pornographique, parce que pour moi la pornographie est une catégorie où on dépasse une frontière qui est relevante.  Les artistes de ce temps se frottaient à ces choses : ‘cela y est et je vais le reprendre’. Donc je ne dirais pas pornographique, mais plutôt une manière de regarder la réalité dure dans les yeux. La pornographie ne parle pas de regarder les choses dans les yeux, il s’agit d’objectivité totale.”
 

Manfred Sellink: “Il faut aussi tenir compte du contexte de certaines œuvres. Les grandes pièces d’autel, qu’elles soient de Caravaggio ou de Rubens, ont une toute autre fonction que les pièces de cabinet, les petits formats que l’on retrouvait dans l’intimité des  maisons. Ils demandent une autre manière de regarder.  Les grandes pièces d’autel employaient un langage visuel qui était au service de ces institutions. Nous sommes habitués à regarder les peintures dans un espace illuminé d’une façon assez neutre, mais il faut s’imaginer que beaucoup de ces peintures étaient vues dans le crépuscule avec quelques bougies. Si on pouvait les voir,  car la plupart du temps, les triptyques étaient fermées. Et il puait également dans l’église. Toutes des circonstances complètement différentes. Un Caravaggio doit avoir fait une impression écrasante dans l’obscurité. Cette violence dans la contra-réformation était l’objectif, les gens devaient s’identifier à la douleur des martyrs, des saints et à la souffrance du Christ. Cette théâtralité il faut le concevoir dans ces grands autels.”

 

“C’est complètement différent pour les pièces dans l’intimité d’une maison où la violence est parfois plutôt répugnante. Il y a un bon exemple d’un peintre qui n’appartient pas au baroque : Pieter Bruegel. Il a fait une peinture où figure le meurtre des enfants innocents.  Au dix-septième siècle, c’était en possession royale, probablement en Suède, et tous ces enfants ont alors été recouverts de peinture. On les a remplacés par de la marchandise. Des enfants qui étaient massacrés, ce n’était pas acceptable au dix-septième siècle et certainement pas à la cour. On trouvait ça alors trop horrible.  La peinture – maintenant dans la collection royale en Angleterre – est à ce jour très particulière : on voit des soldats espagnols piller un village flamand et ils enfoncent leurs épées dans des marchandises et des paniers en oseille. Mais nous savons d’après des copies ce qui se trouve en fait en-dessous, et ce sont les enfants. Ce qui était bien admissible dans l’église, était accepté beaucoup plus difficilement dans un cadre familial. Là, ils ne voulaient pas vivre la cruauté, et on préférait ne pas  regarder une peinture représentant le meurtre de deux cent enfants.”

 

Luc Tuymans: “C’est l’aspect fascinant : la vrai constellation dans laquelle une œuvre est apparue pour la première fois, on ne saura pas le recréer.”

 

Manfred Sellink: “Nous regardons les statues différemment aujourd’hui , cela peut apparaître très démodé d’essayer de reconstruire le contexte original.”

 

Bart De Baere: Chez Pontormo, on ne voit même pas approximativement l’image que le peintre a fait. Son biographe, Vasari décrit qu’il change un moment donné quelque part l’ouverture de la lumière.”

 

Manfred Sellink: “Oui, mais il dépend également de nous comme spectateurs et amateurs d’art. Depuis le dix-neuvième siècle on a commercé à regarder l’art religieux d’une façon complètement différente.  Et, qu’on l’aime ou pas, en sortant l’art des églises et par l’autre façon de regarder à ce jour, on peut reconstruire maintenant comment quelqu’un regardait en 1550 un Pontormo. On peut employer quelques trucs simples, par exemple en exposant certaines œuvres plus haut, quand le point de vue est important. Dans le nouveau arrangement du KMSKA, nous allons exposer les anges chantant, ces trois panneaux de Hans Memling, plus en hauteur qu’au passé. Mais toujours pas à sept mètres de hauteur, comme ils ont été probablement exposés à l’église. Personne n’accepterait actuellement de devoir regarder un des vrais chefs d’œuvre  du KMSKA à l’aide de jumelles. Mais cette œuvre était initialement le registre supérieur d’un grand tableau à plusieurs panneaux et malheureusement il ne reste plus rien de ce qui était en dessous. Ce serait très remarquable et artificiel de l’exposer malgré tout à cette hauteur, ne sachant pas  ou ne pouvant pas voir ce qui se trouve en-dessous. Mais ce qu’on peut faire, c’est pendre l’œuvre un peu plus haut et indiquer ainsi que le  perspectif est maintenant différent.  J’ai peur d’aller à de telles constructions. Mais on s’écarte, il s’agit dans Sanguine/Bloedrood du baroque.

 

Luc Tuymans: “Bon, avec tout ceci on peut déjà faire un bon bout de chemin.”

 


 

Texte: Hans Willemse

Éditeur: Jeroen Verelst